mercredi 19 février 2014

Un peu de sport ? Le football en Chine !

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Le foot, ce n’est pas une affaire chinoise.
 
Pendant que vous êtes coincés dans les bouchons sur le chemin de Sanlitun à Beijing, demandez à votre chauffeur de taxi ce qu’il pense de son équipe de foot nationale. Il y a de bonnes chances que votre nouvel ami vous réponde un « Pfff ! » venant du cœur.

L’équipe nationale chinoise, en effet, personne n’y croit. Une seule participation à la coupe du monde, en 2002, qui s’est soldée par trois défaites en trois matchs, sans aucun but marqué. On se souvient aussi d’une victoire 1-0 contre l’équipe de France en match amical en 2010. A part ça, pas grand chose. Ces dernières années, les défaites s’enchainent.

En 2011,  l'entraineur espagnol José Antonio Camacho est recruté à grands frais pour qualifier la Chine à la Coupe du Monde 2014, mais le miracle ne se produit pas, et la Chine est éliminée des les premières phases de qualification. En 2013, une fessée 5-1 à domicile contre la petite équipe de Thaïlande en match amical a raison de la patience des supporters, mais aussi de la fédération, qui renvoie Camacho (là encore, à grands frais).

Le football européen sinon rien

Des supporters de Manchester United lors d'un match de démonstration à Shanghai

Non, le football qui intéresse les chinois se joue ailleurs. C’est celui de Manchester United, d’Arsenal, du Bayern Munich ou du Real Madrid. Là, les yeux de notre chauffeur de taxi s’illuminent ! Les joueurs français? Zidane et Henry ont toujours la côte, Benzema et Ribéry, c’est pas mal non plus. Mais le top reste encore et toujours David Beckham.

Les matchs de Ligue des Champions sont diffusés sur CCTV-5, la Premier League anglaise sur Beijing TV et Shanghai TV. Les sites de vidéo en ligne Sina et PPTV possèdent aussi des droits de retransmission sur certains championnats. Avec le décalage horaire, il faut souvent attendre le milieu de la nuit pour regarder les matchs. N’allez donc pas croire que les 1,4 milliard de chinois sont devant leur télévision le samedi soir en pleine nuit pour regarder Fullham et Sunderland taper le ballon pour une place en milieu de tableau de la PL anglaise. Suivre le football européen depuis la Chine consiste plus souvent à connaître le nom des cinq ou six meilleures équipes européennes et leurs stars respectives.

La Chine, c’est l’eldorado, c’est un marché à conquérir. Le cliché est lancé. Les grands clubs européens redoublent d’efforts pour s’attirer les faveurs du public chinois. Opérations marketing, matchs de pré-saison en Chine, réseaux sociaux... On envoie le roi Beckham prendre des bains de foule, les sites des clubs et des ligues s’empressent d’ouvrir des pages en chinois. Le Barça de Messi a plus de 3 millions de fans sur son Tencent Weibo officiel. Sur Sina Weibo, les clubs anglais ont aussi la côte : 2 millions de fans pour Manchester United, 1,5 million pour Liverpool, 1,3 million pour Arsenal... Depuis son rachat par les qataris, le PSG n’est pas ridicule non plus et compte lui 700 000 fans chinois ! Pas vraiment de traces d'autres clubs français sur Weibo, en revanche.

Une affaire de gros sous.

Beckham, ambassadeur de luxe du football chinois... et qatari... et américain... et anglais...
Pourquoi tant d’efforts ? Pour vendre des maillots ? Dans un pays où les contrefaçons continuent d’inonder le marché, la vente de produits dérivés officiels est une affaire délicate. Les droits de diffusion à la télévision et sur internet ? Cela ne représente pour l’instant qu’une somme dérisoire en comparaison avec ce qui se pratique en Europe. La Chine payerait même moins que la Thaïlande ou la Malaysie pour diffuser les matchs de Premier League anglaise.

Ce qui compte alors, c'est de d'être présent, d'attendre les opportunités. Car de l'argent il y en a ! Pour l'instant, ce sont surtout les grosses entreprises chinoises et le gouvernement qui dépensent. Construire des stades, faire venir Beckham comme ambassadeur de luxe du football chinois, ça coute ! Et puis, les investisseurs chinois commencent à lorgner sur le football européen. On s'éloigne un peu du sujet, mais on pourrait aussi parler de la "diplomatie des stades", quand la Chine offre des stades aux pays d'Afrique ou d'Amérique latine où elle fait des affaires.

Et le championnat chinois alors ?

On y vient ! Le championnat chinois, la Chinese Super League (中超联赛), existe depuis à peine 20 ans. Elle se joue chaque année de mars à décembre, entre 16 équipes du pays.

En 20 ans, la CSL a connu des hauts et des bas. Enfin, surtout des bas. La faute à une corruption rampante nourrie par les paris sportifs, extrêmement populaires et mal encadrés en Chine. Les scandales de matchs truqués s'enchainent. En 2011, un grand ménage est fait, et certains dirigeants sont mis en prison. C’est peut-être le signe d’un nouveau départ tant attendu pour le football chinois. Ou peut-être pas.

La CSL, on s’en doute, travaille sous le patronage bienveillant du gouvernement, qui nomme ses responsables et définit ses objectifs. Une ancienne star du tennis de table convertie à la politique a été nommée cette année à la tête de la Fédération Chinoise de Football, une position qui était occupée jusqu’alors par... un ancien volleyeur. Il aura la difficile tâche de redorer le blason bien terne du football chinois, qu’il s’agisse de l’équipe nationale ou de la ligue.

Pour de nombreux observateurs, c’est avant tout dans la formation et dans le football amateur en général que des efforts doivent être faits. Le football n’occupe pas en Chine la même place qu’en Europe dans le quotidien des enfants et des adolescents. Les clubs et les centres de formations sont peu nombreux et n’ont pas l’expérience de leurs homologues occidentaux. Ce travail de fond, qui trouve son intérêt dans le long terme, n'a pas été la priorité de la fédération jusqu'à présent.

Quoiqu'il en soit, la ligue chinoise se donne les moyens -financiers- pour rivaliser, si ce n'est avec l'Europe, au moins avec le reste du continent asiatique, jusqu'ici dominé par le Japon, la Corée et quelques clubs du moyen-orient. Depuis 2011, c'est le géant de l'immobilier, Wanda, et son richissime propriétaire Wang Jianlin (王健林) qui sponsorise la ligue. L'entreprise, qui a pendant plusieurs années été propriétaire du club professionnel de Dalian alors que celui-ci dominait la ligue, avait quitté le football chinois suite aux nombreux scandales qui y ont éclatés. Les clubs sont tous dirigés par de grandes entreprises chinoises, pour qui le football est avant tout l'occasion de faire briller son image, quel qu'en soit le coût.

Présentation des forces en présence


Avant le début de la saison 2014, dont le coup d'envoi doit être donné le 7 mars prochain, voyons ensemble les équipes à surveiller.

GuangzhouEvergrande_FCGuangzhou Evergrande FC (广州恒大) / Site officiel / Weibo officiel
Favorite de la CSL cette année encore, l'équipe cantonaise a remporté les trois dernières éditions de la ligue. En outre, le club a l'an dernier rapporté à la Chine sa première Ligue des Champions asiatique, après une victoire en finale contre les champions coréens du FC Séoul. L’équipe s’est ensuite qualifiée pour une rencontre au sommet en demi-finale du Mondial des Clubs contre le Bayern de Munich, contre qui elle s'est inclinée 3-1.

Ses bons résultats, le Guangzhou FC les doit à un recrutement ambitieux. Depuis 2011 et la remontée du club en première division, des joueurs chinois et étrangers de qualité ont été progressivement ajoutés à l’effectif. L’attaquant Lucas Barrios, transféré du Borussia Dortmund, le milieu de terrain Dario Conca, élu meilleur joueur du championnat brésilien en 2010, ou encore Muriqui et Elkeson, deux autres joueurs brésiliens expérimentés. Et puis bien sûr, le club cantonais a aussi sorti son porte-monnaie pour recruter en 2012 Marcello Lippi, l’entraineur italien champion du monde en 2006 avec l’équipe nationale italienne.

C’est vrai, Guangzhou FC surnage un peu dans le championnat. Lors de la saison 2013, l’équipe n’a perdu qu’un seul match et a été sacrée championne à cinq journées de la fin. Cela ne veut pas dire que la concurrence n’existe pas! D’autres clubs s’en sortent très bien aussi, sans forcément dépenser autant que l’Evergrande.
Lippi fête le titre de champion de son équipe, entouré par Lucas Barros et Dario Conca.

Shandong Luneng Taishan (山东鲁能泰山) / Site officiel / Weibo officiel

L'équipe du Shandong a fait une excellente saison 2013 en finissant à la deuxième place, résistant bien au bulldozeur Evergrande. Entrainé jusque cet hiver par le Serbe Radomir Antić (ancien entraineur du Real Madrid, du FC Barcelone et de l’Atletico Madrid), l'équipe de Taishan sera cette année entrainé par Cuca, l’entraineur brésilien fraichement vainqueur de la Copa Libertadores avec l’Atlético Mineiro de Ronaldhino. Pour s’assurer une saison 2014 d’aussi bonne facture que celle de 2013, et pour honorer sa qualification en Ligue des Champions asiatique, le club a lui aussi sorti son porte-monnaie pour recruter notamment deux attaquants sud-américains: Montillo, venu du grand club brésilien Santos, et Vagner Love, qui évoluait jusque-là au CSK Moscou. Au total, plus de 25 millions d’euros dépensés ! L’équipe conserve par ailleurs les talents locaux qui ont fait sa réussite la saison dernière, comme Wang Yangpo (王永珀) ou le jeune sino-coréen Jin Jingdao (金敬道).


Shanghai Greenland (上海绿地申花)/ Site officiel / Weibo officiel

L'un des trois clubs de Shanghai, Shanghai Greenland FC est la propriété d'un autre géant chinois de l'immobilier, le groupe Greenland (绿地控股集团). Avant ce rachat au début de l'année 2014, le club s'appelait Shanghai Shenhua (上海申花), du nom de son ancien propriétaire, la compagnie de production de charbon Shenhua. Lors des dernières saisons, le club est celui qui a fait le plus parlé de lui à l'étranger, notamment en attirant successivement Nicolas Anelka puis Didier Drogba à Shanghai grâce à des salaires mirobolants.

C'était en 2012. Depuis, le vent a tourné, les résultats n'ont pas suivis, et surtout, les salaires promis n'ont pas été perçus. Nos deux stars, ainsi que l'entraineur argentin Sergio Batista, sont repartis dans d'autres pâturages.

Cet hiver, Shanghai Greenland a libéré certains de ses joueurs restants, et s'est contenté d'un recrutement bon marché. Dans ces conditions il semble difficile pour le club, seulement 8ème la saison dernière, de se positionner comme un favori. Mais sait-on jamais !


Guangzhou R&F (广州富力) / Site officiel / Weibo officiel
Cette saison l’autre équipe de Guangzhou, propriété elle aussi d’un grand groupe immobilier cantonais (décidément !), pourrait tirer son épingle du jeu. Sixième la saison dernière, le club est en train de faire son shopping pendant l’inter-saison hivernale. Deux internationaux chinois, Zhang Jipeng (姜至鹏) et Wang Xiaolong (王晓龙), ainsi qu’un international coréen, Park Jong-Woo, viennent ainsi renforcer le milieu de terrain et la défense du club en attendant le probable recrutement de quelqu’attaquant africain ou sud-américain dans les semaines à venir. Mais surtout, le club imite son voisin cantonais et vient de s’offrir les services d’un entraineur de prestige, à savoir le suédois Sven-Göran Eriksson, ancien entraineur de l’Angleterre et de la Côte d’Ivoire.


Et les autres ?

En plus de ces quatre là, douze autres équipes tenteront de disputer le titre de champion lors de cette édition 2014 de la CSL.

Beijing Guoan (北京国安), l'équipe pékinoise, qui a figuré sur le podium des trois dernières éditions. Guizhou Renhe (贵州人和), 4ème de l'édition précédente. Anciennement installée à Xi'an, l'équipe a déménagé en 2011 dans la province occidentale du Guizhou, relativement loin des autres équipes de la ligue. Dalian Aerbin (大 连阿尔滨), jeune club qui va entamer sa troisième saison dans l'élite. En 2012, Dalian Aerbin a racheté le club historique de Dalian, Dalian Shide FC, 8 fois champion de Chine, en grande difficulté depuis quelques années. Les deux autres clubs de Shanghai, Shanghai Shenxin (上海申鑫) et Shanghai Dongya (上海东亚), où évolue Wu Lei (武磊), le meilleur buteur chinois de l'édition 2013. Liaoning Whowin (辽宁宏运), le club de Shenyang habitué des milieux de classement et champion en 2009. Tianjin Teda (天津泰达), les tigres de Tianjin. Hangzhou Greentown (杭州绿城), le club de Hangzhou. Jiangsu Sainty (江苏舜天), le club de Nanjing, qui avait terminé deuxième en 2012 mais qui a frôlé la relégation l'année suivante. Changchun Yatai (长春亚泰), le club de la capitale de Jilin. Enfin, Henan Jianye (河南建业) et Harbin Yiteng (哈尔滨毅腾), les deux équipes promues.

Rendez-vous le vendredi 7 mars pour le début de la 21ème édition de la ligue professionnelle chinoise, avec la rencontre de Shandong Luneng Taishan contre le promu Harbin Yiteng!

dimanche 16 février 2014

Campagne anti-prostitution à Dongguan

Dongguan (东莞). Nous sommes dans le sud de la Chine, dans la province du Guangdong. Au nord, nous avons Canton, la capitale provinciale et ses 12 millions d’habitants. A l’est, voici Shenzhen, la ville nouvelle, produit des réformes économique de Deng Xiaoping dans les années 80. Aujourd’hui Shenzhen est l’une des villes les plus riches de Chine et compte 10 millions d’habitants. Un peu plus loin au sud, à deux heures de route, il y a Hong-Kong. Les casinos de Macao et la grande ville de Zhuhai, de l’autre côté du delta, pointent aussi leurs nez. 

Au milieu de tout cela, Dongguan, petite ville de quelques millions d’habitants. Ce n’est pas une zone économique spéciale, ce n’est pas non plus la capitale provinciale. Ici, pas de casinos comme à Macao, ni de reine d’Angleterre comme à Hong-Kong. Mais Dongguan est sacrément bien entourée! Dans des grandes villes comme Canton et Shenzhen, tout est plus contrôlé, plus policé. Dongguan, tout en profitant du rayonnement économique des grandes villes alentours, se situe en retrait, et l’autorité s’y fait plus souple. Une situation dont la ville a su tirer avantage en développant un service particulier: la prostitution.

Les rues de Dongguan, comme dans un film de Wang Kar-Wai - Photo: Rex Features via The Telegraph

Le Guangdong, c’est l’usine du monde. Dongguan ne fait pas exception, les usines sont partout. Et pour tourner, ces usines ont besoin de petites mains, beaucoup de petites mains. Ainsi, pendant des années, ce sont des centaines de milliers de jeunes filles qui sont sorties de leurs campagnes pour venir travailler à Dongguan. Mais le travail à l’usine, c’est fatigant, et le salaire est bas. Certaines jeunes filles veulent quitter l’ombre et rejoindre la lumière. Venues de provinces voisines du Hunan, du Jiangxi, du Sichuan, du Guizhou ou d’ailleurs, si elles ont la chance d’avoir un peu plus de charme que d’autres, une carrière prometteuse leur tend les bras.

Et puis, à Dongguan, il fait chaud. Nous ne sommes pas dans le Heilongjiang, au nord de la Chine. Ici, une jeune femme ne risque pas de geler sur place si elle porte une jupe un peu courte. En Chine, on dit que le désir vient lorsqu’on a bien chaud et qu’on a le ventre plein (云饱暖生淫欲). A Dongguan, on mange bien, on boit bien, et il faut chaud toute l’année. Un peu comme en Asie du sud-est, n’est-ce pas? Enfin, si il est généralement de coutume en Chine de dîner tôt, dans le Guangdong, chaleur oblige, on aime assez attendre la nuit pour dîner. Ça tombe bien, la prostitution est un business nocturne.

C'est ainsi que depuis les années 90, dans la ville de Dongguan, la prostitution s’est développée en industrie, dans les maisons de passe, les hôtels, les spas et les karaokés. On surnomme la ville la “capitale du sexe” de Chine. Ce n’est pas nouveau, et ce n’était un secret pour personne. En tout cas, si certains chinois ne connaissaient pas encore la réputation sulfureuse de Dongguan, depuis quelques jours les médias se chargent bien de corriger cela.



Touta commencé sur CCTV, la chaîne nationale, qui le 9 février dernier a diffusé un reportage sur Dongguan. A la manière des meilleures émissions d’investigation de M6, CCTV nous plonge dans l’univers sulfureux des hôtels de Dongguan, comme si l’on y était, grâce à des caméras cachées. Certes, les trois quarts de l’écran sont floutés, et on pourrait tout aussi bien croire que les images sont filmées dans le parking du fameux siège de CCTV, mais les commentaires sont là pour nous guider. Et l’on découvre l’impensable: dans les bordels de Dongguan, il est possible de payer des femmes pour avoir droit à certains services particuliers.

Cette découverte des intrépides journalistes ne restera pas sans conséquences! Dès le lendemain, le pouvoir réagit vivement et envoie des milliers de policiers pour inspecter les lieux suspectés d’héberger des activités de prostitution. Les nouvelles s’enchainent. Plus de 6000 policiers, des centaines d’arrestations, des dizaines d’établissements fermés, le chef de la police limogé...

Comme souvent avec ce type de campagnes “coup de poing” en Chine, les images ne manquent pas, et les articles de journaux sont illustrés de photos montrant prostituées et clients menotés et agenouillés. L’émotion de quelques (millions de) bloggeurs sur Weibo appellant à soutenir les travailleurs du sexe n’y changera rien.


La police arrête prostituées et clients présumés dans un établissement de Dongguan - Photo: AFP

On estime à environ 300000 le nombre de personnes engagées dans l’économie du sexe à Dongguan, soit un habitant sur vingt. Ces jours-ci, tous les trains au départ de Dongguan sont complets. Travailleuses et clients fuient la tempête. Pourtant, on peut penser qu’après un ou deux mois de campagne médiatisée, Dongguan reprendra ses vieilles habitudes. Après tout, ce n’est pas la première campagne anti-prostitution, et la ville a déjà connu des tentatives de “nettoyage” par le passé. D’autres établissements ouvriront sans doute, et les femmes reviendront, et d’autres ouvrières quitteront l’usine pour rejoindre les hôtels. 

Dans tous les cas, difficile de ne pas s'interroger sur les raisons politiques cette soudaine campagne. Mais comme le dit très bien un internaute sur le forum chinois zhihu.com, “de toute façon, [...] nous autres citoyens de base, on n’est pas informés”.

vendredi 17 janvier 2014

Ecrevisses et scooters éléctriques

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Vendredi matin. Il est 11h30 quand mon téléphone se décide enfin à sonner. A l'autre bout de la ligne, la voix du kuaidi (coursier) est à moitié couverte par le bruit de la circulation. Je comprend malgré tout le principal: le coco sera en bas de chez moi dans 2 minutes avec mon colis. J'échange mon pyjama molletonné collection automne-hiver contre un jeans et un blouson (pudeur bien superflue par ici), et je descends les quatre étages qui me séparent du pavé.

Le coursier est bien là, clope au bec, les fesses sur le siège de son scooter électrique, les jambes empêtrées dans une marée de colis. Je m'approche et réclame mon due, qu'il me tend sans un mot. Avant de faire demi-tour pour retourner dans ma cage d'escalier, je lui fais par de mon mécontentement: selon le suivi du colis sur internet, celui-ci aurait du me parvenir la veille au soir. Mon coursier, compréhensif, me gratifie d'un grognement, puis replonge dans le trafic.

Vêtements, électronique, meubles, café, shampoings ou chips, les colis arrivent chaque semaine, chaque jour, déposés par les kuaidi comme des offrandes. Geste répété cent fois, j'ouvre le colis, balance le carton et le papier bulle dans la poubelle la plus proche, et rentre chez moi avec ma proie. L'excitation me fait oublier la plainte de mes poumons de fumeur, qui n'apprécient pas les 87 marches de mon immeuble à leur juste valeur.

J'analyse l'offrande du jour. Deux tupperware emballés sous vide, chacun contenant des crevettes cuisinées prêtes à réchauffer, des écrevisses d'un côté, et des grosses crevettes blanches dont je serais bien incapable de donner le nom en français (le nom chinois semblerait être 琵琶虾) de l'autre. Un sachet de sauce, une demi douzaine de gants en plastique et un prospectus complètent le tableau. 

11h45, en Chine, c'est déjà presque trop tard pour prendre son déjeuner. Pas de chichis, nous ouvrons les tupperware et réchauffons les pauvres bêtes dans le wok en y ajoutant la sauce. Comme nous ne sommes pas des barbares, je jette un peu de riz dans l'autocuiseur pour accompagner le tout. Malheureusement, il n'arrivera qu'après la bataille. Malgré dix minutes de pleurs et de reniflements à cause du piment, l'expérience est concluante, c'était une bonne adresse! La prochaine fois, on essayera le canard laqué? 

On l'aura compris, je parle ici de mon expérience de l'achat sur internet en Chine. Le commerce en ligne est un secteur qui a connu une croissance énorme depuis quelques années, grâce à des sites comme Taobao, des services comme Alipay, des kuaidi efficaces.

samedi 11 janvier 2014

Les mots empruntés à la mode en 2013

Avec l'importance encore croissante de la Chine sur l'échiquier mondial, des éléments de sa culture s'imposent petit à petit à l'étranger. Des mots et expressions chinoises passent ainsi les frontières pour être apprivoisés dans d'autres langues. Dans l'article qui suit, l'auteur s'intéresse aux mots chinois que l'on a pu retrouver dans la presse anglophone en 2013, soit dans leur version originale phonétique, soit dans des formes traduites, parfois maladroites.

L'article qui suit a été publié dans le Southern Metropolis Daily (南方都市报) le 2 janvier 2014. 
Titre original:  外来热词中的2013 [source]
Traduction française par Guillaume C.


Les mots empruntés à la mode en 2013


2013 vient de s'achever, et alors que la Chine prend de l'importance, un certain nombre de mots chinois font leur apparition dans le vocabulaire anglais.Mais les dictionnaires se doivent de garder un équilibre entre description et la régulation. L'agence de presse Xinhua s'est intéressée à la question de l'apparition de mots chinois dans les dictionnaires anglais, et a interrogé à ce sujet Julie Kleeman, en charge du dictionnaire bilingue édité par la Oxford University Press. Cette dernière explique que sa maison d'édition intégrera probablement certains mots chinois en vogue dans la version en ligne du dictionnaire, mais qu'il faudra encore un certain temps avant que ces mots soient intégrés à la version papier, temps nécessaire pour s'assurer que ces mots soient effectivement utilisés sur le long terme par les médias. Le terme "guanxi" par exemple, connu par un grand nombre de personnes et souvent utilisé, peut être considéré comme un mot d'usage populaire. Il a pris sa place dans la langue anglaise en tant que mot d'emprunt.

Les médias, eux, ne s'intéressent guère de savoir si les mots ont été ou non répertoriés dans les dictionnaires, sur lesquels ils ont souvent un temps d'avance. D'après ma propre observation, les médias anglophones intègrent de plus en plus d'expressions chinoises phonétiques, comme un sorte de mode, ou peut-être comme un symbole de "sinisation". A la différence des mots d'emprunts venus du cantonais qui ont intégrés la langue anglaise pendant un temps, les mots d'emprunts d'aujourd'hui utilisent pour la plupart la transcription phonétique pinyin du chinois mandarin. Au cours de cette année, quelques-uns de ces "nouveaux mots" venus du chinois ont été couramment utilisés:

外来热词中的2013 - 南桥 - 南桥的博客
Shengnv (剩女): Fin 2012, Roseann Lake, auteur installée à Beijing, discute dans la revue "Foreign Policy" du phénomène "Shengnv". Passionnée par le sujet, Lake a interrogé un grand nombre de "Shengnv" autoproclamées, a édité un livre sur le phénomène, et a commencé en 2013 la publication d'une série de bande dessinée intitulée "Super Shengnv" (Chaoji Shengnv). Lake espère par le biais de son travail permettre au monde extérieur de mieux comprendre la société chinoise, et tacle des thèmes sociaux importants, comme par exemple celui du prix du logement, à travers le prisme du phénomène "Shengnv". Elle avance même certaines idées que nous-même chinois n'aurions pas eu. Les possessives "mères tigres"  chinoises pourraient ainsi selon elle être en partie responsable d'un certain manque d'assurance chez les hommes chinois, qui ne se marient qu'avec des femmes légèrement moins éduquées et moins compétentes qu'eux, laissant de côté les filles les mieux éduquées qui deviennent ces "Shengnv". Cette approche psychoanalytique est résolument rafraichissante. Chères mères tigres, s'il vous plait, soyez un peu plus tendres, cessez de gronder sur vos garçons pendant toute leur enfance jusqu'à les priver d'oxygène. Une fois grandis, s'ils rencontrent une femme de qualité, ils n'osent pas ou ne souhaitent pas les prendre en mariage.

Tuhao (土豪): Si le terme a se retrouve parfois, c'est le plus souvent accompagné d'une définition, et l'on ne peut pas dire qu'il ait fait son entrée dans la langue anglaise. Des personne devenues soudainement riches et importantes, il y en a eu de tous temps, et il existe déjà des termes pour les désigner en anglais ou en français, comme "uncouth rich", "nouveau riche" ou encore des mots que les traducteurs apprécient comme "Beverly Hillbillies; richinese, rich redneck...

外来热词中的2013 - 南桥 - 南桥的博客 Dama (大妈): L'année passée, les "Dama" ont fait grimper le prix de l'or, ont dansé sur les places publiques jusque dans Central Park à New-York, avec une inépuisable énergie. Le Wall Street Journal utilise directement le terme chinois "Dama", traduit littéralement "Big Mothers", pour désigner ces femmes chinoises d'âge mûr. Le mot "Dama" sonne aussi comme le mot "Dame", qui désignait en anglais les compagnes des Lords, puis est devenu une façon comique ou ridicule de désigner les femmes en général. On le retrouve par exemple dans ce sens dans la nouvelle de Washington Irving Rip van Winkle, où l'épouse de van Winkle se fait appeler Dame van Winkle. Si la Dame van Winkle se donne les airs et l'arrogance d'une épouse de Lord, elle n'en a en aucun cas le rafinement et passe son temps à rouspéter contre son mari. Le terme "Dame" est vivide, et il m'a toujours été difficile d'en trouver une traduction adequate (en chinois). 2013 me donne une nouvelle façon de le traduire: "Dama".

Gaokao (高考): De plus en plus de gens commencent à comprendre le système chinois du gaokao. L'expression "examen d'entrée à l'université" est de moins en moins utilisée, tandis que l'on utilise plus souvent le terme "gaokao" tel quel, comme dans la revue américaine The Chronicle of Higher Education. Le Huffington Post parle du gaokao ainsi: "Aujourd'hui, l'examen ultime, le gaokao, laisse un peu moins de place à la corruption que ses prédécesseurs.".

Hukou (户口): Le terme "Hukou" s'est lui aussi petit à petit fait une place dans les médias. Après le passage du PISA (Program for International Student Assessment), qui a placé les étudiants de Shanghai en haut de la hiérarchie mondiale, de nombreux médias se sont penchés sur la question des Hukou, déclarant que les résultats du PISA reflétaient avant tout l'inégalité du système éducatif chinois. Un chercheur de l'institut Brookings à Washington disait ainsi: "Dans les villes chinoises, à Shanghai comme  ailleurs, un preuve de résidence, le Hukou, est nécessaire. Il est décerné à chacun dans dans sa municipalité d'origine, et donne le droit d'accéder aux services municipaux, dont celui d'aller à l'école.".

Weibo (微博): De nombreux journalistes occidentaux commencent à ouvrir leurs propres comptes weibo à la recherche de sujets d'actualité. Les articles sur la Chine font ainsi de plus en plus référence à Weibo, même si le terme est encore parfois accompagné d'une note expliquant que weibo est un "équivalent de Twitter". L'on voit aussi apparaitre dans la presse en anglais de plus en plus de "Weibo officiel" et autres "Big V" (compte VIP officiel Weibo, ndlt).

外来热词中的2013 - 南桥 - 南桥的博客Wechat (威信): Le nom anglais de Weixin. Facile d'utilisation, Wechat possède un grand nombre d'utilisateurs hors de Chine. Le grand nombre d'utilisateurs en Iran a même fait naitre quelques inquiétudes et le service s'est vu interdit. L'Inde semble elle aussi en passe d'en interdire l'utilisation. Voir enfin des services internet chinois bloqués à l'étranger, on pourrait dire qu'il s'agit là d'un retour de politesse! En Chine, Wechat est déjà devenu aussi familier que le 老干妈 (Lao gan ma. une sauce épicée très répandue, ndlt). Si en Chine il y a des étrangers qui renversent des Dama avec leurs mobylettes, aux USA il y a des chinoises qui utilisent Wechat au volant et renversent des étrangers. La victime poste ensuite une photo de son propre visage ensanglanté, accompagné d'une ligne d'avertissement: "A l'attention des conductrices chinoises: pas de Wechat lorsque vous conduisez sur Monterey Park.". Les préjugés ne manquent pas aux USA, une femme au volant y est considérée dangereuse, encore plus si elle est asiatique. Si en plus elle discute sur Wechat alors qu'elle conduit, cela devient une arme de destruction massive.

En fin d'année 2013, le mot en vogue était "Baozi" (包子). Malheureusement la transcription du mot chinois n'est jamais utilisée, et beaucoup, comme le Wall Street Journal, lui préfèrent la traduction "steamed bun" (pain vapeur, ndlt). Le problème est que le mot "bun" désigne une sorte de pain, sans rien à l'intérieur. Sans cette information, le lecteur croit peut-être que le président Xi passe son temps à manger des Mantou (sorte de Baozi non farci, ndlt). Le magazine The Atlantic préfère appeler les Baozi des "dumplings" (raviolis, ndlt) plutôt que des "buns". Pourtant ce sont généralement les "shuijiao" (raviolis chinois, ndlt) que l'on appelle "dumplings". Pourquoi ne pas simplement utiliser la transcription "baozi"? C'est simplement que les américains ne sont pas familiers de ces aliments. Les "baozi" ne sont pas plus dans le menu d'un repas américains que mes oeufs bouillis dans le thé. Tant pis, on en reparlera dans quelques années!

Ces dernières années, les étrangers qui viennent "flotter" en Chine (华漂) sont de plus en plus nombreux. Ceux-là viennent expliquer sans le détour d'une traduction certains aspects de la culture chinoise. En 2013, 28 de ces étrangers flottant ont publié un livre intitulé Unsavory Elements, qui rassemble toutes sortes d'expressions chinoises telles que "baijiu" (白酒) ou "ganbei" (干杯). Lorsque je demandais à l'éditeur de l'ouvrage ce que signifiait le titre Unsavory Elements, il me dit qu'il s'agissait de la traduction de l'expression 不良分子 (minorités immorales, ndlr). Hier, l'un des auteurs me faisait parvenir un paragraphe d'introduction, dans lequel je trouvais l'expression "China-based illegal alien". Je traduisais naïvement le terme par "immigré illégal en Chine", mais dans sa lettre suivante l'auteur me corrigea: il s'agissait en fait de ce que l'on appelle les 三无人员 (hommes aux trois « sans »: personnes sans caractère, sans expérience, sans épouse, ndlr). Mais ces expressions que nos étrangers flottants ont apprises sont déjà en passe d'être démodée en Chine.


mercredi 27 février 2013

Le documentaire qui a fait saliver la Chine: "A Bite of China"


La diffusion de la série documentaire "La Chine au bout de la langue" (舌尖上的中国, ou "A Bite of China" en anglais) en 2012 sur CCTV-1 a fait date dans l'histoire de la télévision chinoise. Les sept épisodes de la série, diffusés en deuxième partie de soirée entre le 14 et le 22 mai 2012, ont été regardés par plus de cent millions de téléspectateurs selon l'agence Xinhua. Depuis les années 80 et le monopole de CCTV sur les ondes, c'est la première fois qu'un documentaire connait un tel succès.


Le très recherché champignon Matsutake (松茸)

Ce n'est pourtant pas le seul documentaire gastronomique à la télévision chinoise, loin de là. Que ce soit sur CCTV ou sur les innombrables chaines régionales, la télévision chinoise propose des programmes de gastronomie à toutes heures et à toutes les sauces. Mais contrairement aux autres productions du genre, "La Chine au bout de la langue" est un programme ambitieux, et qui s'est donné le moyen de ses ambitions.

Une équipe élargie (trois journalistes, huit réalisateurs, trois éditeurs et de nombreux techniciens), dix mois de tournage au quatre coins de la Chine avec des caméras HD, c'est ce qu'il a fallu pour produire les sept épisodes. La série ne se contente pas de présenter les spécialité culinaires, mais prétend montrer la culture culinaire chinoise. Et la nourriture en Chine, c'est toute une philosophie. Lieux communs à part, il est indéniable que ce vaste pays possède de nombreuses traditions culinaires locales et une grande variété d'ingrédients, et "La Chine au bout de la langue" parvient à mettre cela en valeur.

Naviguant d'une province à l'autre, l'émission s'organise par thème. A chaque fois, la nourriture est associée à ceux et celles qui la fabriquent, la préparent, la cuisinent, la vendent, la mangent. Les personnages, vrais gens du peuples (老百姓), sont tout aussi passionnants que la cuisine elle-même. Aux gros plans sur les visages suivent les gros plans sur la nourriture, et les bruits et les couleurs ne manquent pas de faire saliver.


L'épisode 1, "Présents de la nature", dévoile certains des ingrédients qui font la fierté du pays, et les personnes qui les cultivent et les récoltent: La cueillette des précieux champignons Matsutake (松茸) dans le Yunnan, le ramassage de pousses de lotus (藕) dans la vase d'un lac du Hubei, ...
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L'épisode 2, "L'histoire des aliments de base", présente certaines des préparations de base de la cuisine chinoise et ceux qui la font: Nouilles au boeuf des musulmans de Lanzhou (牛肉拉面), la préparation de Zongzi dans le Zhejiang, ou celle de Momo (黄馍馍), pain mantou (馒头) à base de farine de riz, dans la province nordique du Shaanxi ...
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L'épisode 3, "La transformation inspire", s'intéresse aux aliments transformés ou fermentés: Toutes sortes de toufu bien sur, comme le Mao Doufu (毛豆腐) Toufu poilu d'Anhui. L'alcool aussi, avec la confection millénaire du vin jaune (黄酒) dans le sud du pays ...
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L'épisode 4, "Les saveurs du temps", nous présente certains aliments préservés fameux: Les dernières saucisses artisanales à Hong-Kong; les légumes fermentés (泡菜), ou kimchi, de madame Jin dans le Heilongjiang, non loin de la Corée; le poisson fermenté (腌鱼) de la minorité Miao (苗族) dans la province centrale du Henan ...
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L'épisode 5, "Secrets de cuisine", s'intéresse aux outils qui servent à la cuisine, et aux ingrédients fondamentaux. L'huile dans lequel tout ce cuit, les marmites et les pots dans lesquels les plats sont bouillis ou cuit à la vapeur; Le maniement expert du couteau de cuisine dans un grand restaurant cantonais de Pékin; les énormes cuiseuses à vapeur au festival du double neuf (重阳节) à Guangdong ...
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L'épisode 6, "Les cinq saveurs en harmonie": Aigre (酸), sucré (甜), amer (苦), piquant (辣), salé (咸), telles sont les cinq saveurs de base de la cuisine chinoise. Le piment (辣椒) du Sichuan, le sel, l'amertume, la cuisine aigre-douce prisée des étrangers ...
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L'épisode 7, "Notre Champ", conclue la série. Nous sortons des cuisines et des rues pour voir la richesse naturelle du pays. "靠山吃山、靠海吃海" dit le dicton: "Se nourrir de la montagne près de la montagne, se nourrir de la mer près de la mer". L'épisode nous emmène manger du riz gluant (糯米) avec les minorité du Guizhou, et découvrir les convoités concombres de mer (海参) et autres invertébrés qui habitent les eaux de la mer jaune ...
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D'une province à l'autre, d'un plat à l'autre, la série donne un aperçu de la richesse naturelle et gastronomique chinoise. Si les commentaires ont un ton patriotique parfois agaçant, on se dit que ça n'est pas pire que le journal de J-P Pernaut chez nous. A la manière d'un reportage ethnographique, l'émission nous montre avec un soucis d'authenticité des "vrais gens", qui vivent parfois difficilement, mais toujours fièrement de leur travail.

En Chine, malgré une mobilité de plus en plus grande, l'attachement aux racines familiales locales est encore fort. La Chine est vaste, et chacun sait d'où il vient, même lorsque la vie moderne oblige à s'installer dans une grande ville. En montrant des images de cultures locales, "La Chine au bout de la langue" réveille cette sentimentalité. C'est sans aucun doute l'une des explications du succès de la série.



Un bon bol de nouilles Qinshan (岐山臊子面), spécialité de
la province du Shaanxi, au nord de la Chine.

A l'âge d'internet, la série doit aussi son succès aux réseaux sociaux. Pendant et après sa diffusion, la série a été un sujet de discussion très populaire sur Weibo, chacun y allant de son souvenir d'enfance. L'émission pouvant être vue librement non seulement sur le site de la CCTV, mais aussi sur les nombreux sites de vidéo en ligne, les internautes ont pu voir et revoir les épisodes, entretenant ainsi la popularité de la série tout au long de l'été 2012.

Comme c'est souvent le cas en Chine lorsqu'un sujet concentre l'attention sur internet, la polémique apparait. Certains font le lien entre la série, où tout est beau et naturel, et la réalité, où les scandales s'enchainent dans l'industrie agroalimentaire. L'on reproche à CCTV de vouloir mettre un couvercle sur les problèmes sérieux qui se sont multipliés: le scandale de l'huile de caniveau recyclé, celui du lait à la mélanine, la fausse viande de boeuf...

Quoiqu'il en soit, ces polémiques n'enlèvent rien au succès populaire de la série, ni à la qualité de sa réalisation. CCTV a même souhaité exporter la série à l'étranger, sans y parvenir jusqu'à présent. Par contre, la chaine spécialisée dans le documentaire CCTV-9, créée en 2011, qui a rediffusé "La Chine au bout de la langue" une semaine après la première diffusion sur CCTV-1, a vu sa notoriété grandir grâce à la série. Et l'encre (et les pixels) que "La Chine au bout de la langue" a fait couler va permettre la production d'autres émissions documentaires ambitieuses. Une suite à "La Chine au bout de la langue" est par ailleurs prévue, pour répondre aux appels des spectateurs déçus que la première saison ne se soit pas arrêtée dans leurs provinces.

Pour en savoir plus, voici quelques liens récoltés sur le web:
@ L'un des contributeurs du blog Rectified.name (正名) a publié un témoignage intéressant sur la série.
@ China Realtime Report, le blog du Wall Street Journal, rapporte le succès d'audience de la série.
@ Le site officiel de China News Service (CNS), agence officielle chinoise, relève la hausse des ventes d'ustensiles de cuisine après la diffusion de la série.
@ China Files, le blog de la fondation Asia Society, a publié un article reprenant les réactions des internautes chinois sur Weibo, en particulier les réactions plus polémiques.
@ Un entretien en vidéo avec Chen Xiaoqing, le réalisateur de la série, sur le site de CCTV.
@ L'édition française du People's Daily (人民日报), journal officiel historique, parle de la saison 2.
@ New Tang Dynasty, la télévision dissidente chinoise, revient sur les polémiques autour de la série et les scandales de l'industrie agroalimentaire chinoise.